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Les dons d’ovules

Trop peu de dons : pourquoi?
Les dons de sperme et d’ovules n’ont jamais été rémunérés au Québec et ils ne le sont plus dans le reste du Canada depuis l’adoption de la Loi fédérale sur la procréation assistée en 2004. Elle est dépassée l’époque où, au Canada, les jeunes femmes pouvaient se payer des études universitaires en faisant un don d’ovules généreusement rémunéré…
La loi autorise cependant les cliniques à dédommager les donneurs pour leurs déplacements, sur présentation d'un reçu. Ce montant varie d'une clinique à l'autre.
Ce qui est sûr, c’est que le nombre de donneurs et de donneuses a considérablement diminué au pays depuis que la loi est adoptée. Au Québec, l’approvisionnement des banques de sperme a peu changé depuis l’adoption de la loi; il n’y a pas pénurie, mais comme la procréation assistée fait l’objet d’un nombre grandissant de demandes, les cliniques doivent parfois « importer » la précieuse semence de l’Ontario.
Avec les dons d’ovules, la situation est plus préoccupante : c’est qu’on ne peut pas constituer de « réserves » d’ovocytes parce qu’ils se conservent plus difficilement, contrairement aux gamètes masculins, que l’on peut conserver pendant un certain temps. La situation est encore plus préoccupante au Québec, car une nouvelle technique de congélation ultra-rapide (la vitrification) est désormais utilisée (depuis un peu plus de deux ans) dans les autres provinces, mais pas au Québec, souligne Dr Jacques Kadoch, directeur médical de la clinique de procréation assistée du CHUM. « Jusque-là (avant l’arrivée de cette technologie), il fallait faire le don avec des ovules frais », précise-t-il.
Manque d’ovules : les conséquences
Pas de banques d’ovules, de rares donneuses volontaires dans l’entourage des femmes ayant besoin d’ovules et encore moins de donneuses altruistes : résultat; de plus en plus de Québécoises se tournent vers les États-Unis ou le Mexique pour aller chercher la semence qui sera fécondée par le sperme de leur conjoint. C’est ce que l’on pourrait appeler le tourisme reproductif et, selon Dr Kadoch, il est en croissance.
Le mot pénurie ne fait pas partie du vocabulaire des cliniques de fertilité de ces pays puisque les banques sont bien approvisionnées par des donneurs et des donneuses... rémunérés.
« On commence à avoir de plus en plus de demandes de patientes qui sont au Québec et qui achètent des ovules en allant sur place ou en restant au Québec et en les achetant dans un catalogue. On nous les envoie vitrifiés, on les décongèle ici et on procède à la fécondation avec le sperme du conjoint », explique le gynécologue.
Le hic, c’est que le gouvernement du Québec rembourse les dépenses des couples qui achètent du sperme à l’extérieur du pays, mais les femmes qui se procurent des ovules à l’étranger ne recoivent pas le même traitement financier… Pourquoi? « Simplement parce que la technologie de vitrification n’était pas courante quand on a fait la loi (sur la procréation assistée) », répond Dr Kadoch.
Ce système « deux poids – deux mesures » finira bien par être contesté par toutes ces femmes qui n’ont pas les moyens de débourser des milliers de dollars pour se procurer des ovules outre-mer. Et si elles finissent par réclamer ce remboursement, le gouvernement se dirigera vers une catastrophe financière, signale le spécialiste.
La solution : rémunérer les donneurs et les donneuses?
Oui, répond sans hésiter Dr Kadoch. Il cite en exemple l’Espagne, où le gouvernement fixe le tarif de rémunération des donneurs et des donneuses.
Si le gouvernement du Québec décidait d’en faire autant, il freinerait le nombre de femmes qui se tournent vers l’extérieur du pays pour acheter des ovules et qui sont susceptibles de lui réclamer un remboursement coûteux.
De plus, « en rémunérant les donneuses, on exerce un meilleur contrôle sur les dons et donc sur les problèmes de consanguinité reliés aux dons multiples… »
La rémunération des dons : l’opposition
L’opinion de Dr Kadoch est loin de faire l’unanimité. Un grand nombre de personnes s’opposent au paiement des dons, arguant qu’il s’agit d’une entorse à l’éthique.
Abby Lippman, professeure au Département d’épidémiologie de l’Université McGill et membre du conseil d’administration de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) estime que le matériel reproductif humain ne devrait pas être marchandé ou commercialisé, notamment parce que des femmes démunies pourraient alors y voir un moyen de gagner un montant substantiel d’argent.
Le « marché noir » québécois
Même si on n’en connaît pas l’ampleur, le commerce illégal des ovules existe au Québec; des « donneuses professionnelles » se font connaître souvent par le biais des petites annonces et sont grassement payées pour leurs ovules, mentionne Dr Kadoch.
La rémunération des donneuses n’éradiquerait peut-être pas ce commerce, mais elle en freinerait la propagation, estime le gynécologue.
Le Québec devrait également se doter d’un inventaire des femmes qui font des dons répétés, notamment parce que le risque de cancer des ovaires est plus élevé chez elles.
Selon Abby Lippman, un inventaire des enfants nés de la procréation assistée (ce qui inclut bien sûr ceux qui sont issus d’un don d’ovules) est également nécessaire, dans le but notamment d’effectuer un suivi plus efficace de leur état de santé. Celui-ci pourrait également être utile pour éviter les conséquences de l’éventuelle découverte de leurs « demi-frères » ou « demi-sœurs »…
Elle va plus loin en affirmant que l’on devrait aussi amorcer une réflexion sur l’augmentation des problèmes d’infertilité et incidemment, au recours croissant à la procréation assistée; quelles sont les causes de cette hausse de l’infertilité?
Mais ça, c’est une autre question...

Par Josée Descôteaux
janvier 2012
Forum sur le site Maman pour la vie




Les dons d’ovules – des témoignages


Est-ce de la solidarité féminine ou de l’altruisme qui s’apparente au don de soi? Il existe vraiment des femmes qui se font du don d’ovules une manière d’aider leur prochain.
Trois femmes qui ont décidé de faire don d’une partie d’elles-mêmes pour permettre à une autre femme de goûter le bonheur d’enfanter ont accepté de nous raconter leur histoire.
Andrée-Anne, 21 ans
Elle est croyante. Et généreuse, répond-elle spontanément, mais humblement lorsqu’on l’interroge sur les motifs de son geste. On ne peut douter de sa générosité… Andrée-Anne a 21 ans et elle a déjà fait deux dons pour deux couples. Par-dessus le marché, elle est elle-même enceinte et devrait accoucher le 16 juin 2012.
« Je voulais que d’autres femmes puissent profiter de ce que j’ai. J’ai aussi été inspirée par Julie Snyder (l’animatrice qui a elle-même eu recours à la fécondation in vitro) », explique-t-elle.
La jeune femme s’est tournée vers le Centre de reproduction McGill, par le biais duquel elle a rencontré la femme qui allait par la suite recevoir ses ovules.
L’échange a commencé le 4 novembre 2010 : la synchronisation des cycles menstruels, l’injection de la médication qui permet de contrôler les cycles, l’échographie, la stimulation ovarienne, le déclenchement de l’ovulation, puis le prélèvement. L’ovule retenu a ensuite été fécondé par le sperme du futur père et l’embryon a été implanté le 16 décembre. Onze jours plus tard, l’heureuse receveuse était enceinte!
Comme la rémunération des dons est illégale depuis 2004 au Canada, Andrée-Anne n’a évidemment pas reçu d’argent du couple qui a reçu son don, pas plus qu’elle n’a eu de compensation financière du centre de reproduction. Le couple a cependant payé les médicaments (environ 2000 $) et défrayé les coûts du transport (la donneuse a dû se rendre une dizaine de fois à Montréal, alors qu’elle habite en Mauricie). Elle a bien sûr perdu des journées de salaire, mais fort heureusement, ses assurances personnelles ont couvert les autres dépenses encourues pendant le processus.
Andrée-Anne et la femme qui a reçu son ovule n’ont pas coupé les ponts ; elles communiquent de temps en temps par courriel. Mais qu’en sera-t-il du bébé qui portera une partie des gènes de la donneuse ? « Le psychologue de la clinique nous a donné des conseils et l’âge idéal recommandé pour dire la vérité à l’enfant est cinq ans », mentionne Andrée-Anne.
Elle ignore si la future maman révèlera un jour à l’enfant la contribution d’Andrée-Anne à sa conception mais elle affirme qu’elle respectera la décision du couple et lui assurera sa collaboration, quelle que soit cette décision.
Une autre femme a bénéficié de la générosité d’Andrée-Anne, toutefois l’expérience s’est soldée par un échec; l’implantation de l’ovule ne s’est pas concrétisée.
Andrée-Anne sera cependant encore très présente dans la vie de la petite famille qu’elle a contribué à former puisqu’elle fera encore don de ses ovules pour le prochain enfant…
L’histoire de Julie (prénom fictif), qui a offert ses ovules dans un site web de petites annonces
C'est la première fois que je fais un don d'ovules. J'en avais parlé à quelques personnes de mon entourage qui ont approuvé ce geste.
Ne souhaitant pas d'enfants, je trouve normal de pouvoir offrir à un couple la chance de pouvoir avoir un enfant. Le choix de la famille devra respecter mes critères et je désire les rencontrer avant afin de voir à qui je ferai mon don. Je ne ferais pas de dons à plusieurs familles mais à une seule. Je ne veux pas qu'il y ait au Québec des dizaines d'enfants qui auront une partie de mon ADN…
J'ai pris contact avec Procréa pour avoir des informations sur le don d'ovules. On m'a d'abord posé des questions sur les maladies présentes dans ma famille, ma santé générale, ma sexualité.
Je sais que c'est illégal de vendre des ovules. En revanche, je demande à la famille de me rembourser mes frais d'essence, mes frais de repas lors des rendez-vous (il y a plusieurs allers-retours à la clinique de procréation et il faut souvent prendre une journée de travail pour aller aux rendez-vous).
Une personne étrangère m'a contacté car elle souhaitait faire un don d'ovules et voulait quelques renseignements. Je me suis rendue compte qu'elle ne voulait que se faire de l'argent. Une autre fois, un homme étranger m'a proposé de l'épouser et de faire avec lui des bébés pour les vendre. Il y a bien des donneuses qui ne sont pas fiables (trop à mon goût)…

L’histoire de Marie-Andrée (prénom fictif)
J'ai une amie qui depuis bientôt un an essaie d'avoir un enfant, mais malheureusement ils ont découvert qu’un problème dans l’anatomie de son partenaire affectait sa production de spermatozoïdes. J'aurais voulu l'aider… Elle m'a sensibilisée à la cause de l'infertilité. Après quelques recherches et après avoir entendu des témoignages de donneuses, j'ai décidé de donner moi aussi.
En décembre 2010, ce fût le début d'un processus avec un couple que j’avais connu par l'intermédiaire d'un forum et dont l’âge rendait la procréation risquée. Le seul moyen pour eux de voir leur rêve se réaliser était d'avoir un don d'ovule.
Les traitements ont eu lieu à l’hôpital Royal Victoria (McGill). Je n’avais demandé aucune rémunération, cependant le couple m’a offert un cadeau à la fin du processus. Ils ont aussi remboursé les frais de déplacement, les médicaments et les journées de travail perdues.
Tout le processus s'est bien déroulé, malgré une petite hyperstimulation après la ponction, mais tout est rentré dans l'ordre quelques jours plus tard et l’hôpital a fait un très bon suivi. J'ai été très heureuse d'apprendre, quelques semaines plus tard, qu'une magnifique petite fille allait naître en janvier (2011).
Peu après cette montée de joie, j'ai demandé à mon conjoint son avis sur un autre don. J’ai vraiment réalisé que c’était la meilleure façon d’aider tous ces couples qui n’arrivent pas à avoir des enfants, afin qu’ils puissent vivre avec l'espoir qu’un jour ils pourront donner leur amour à une toute minuscule boule de vie.
En septembre 2011, j'ai été contactée par un autre couple qui avait besoin d'un petit coup de pouce. Encore une fois, le couple a payé mes dépenses. Cependant cette fois les traitements ne fonctionnent pas aussi bien que la première fois. C’est très dur pour le couple et je suis déçue par moi-même, mais je comprends que c'est un problème de cycles hormonaux. Je revois le docteur en janvier et lors de mes prochaines règles on recommence
Ce que j'entrevois en ce qui a trait au lien entre moi et les deux enfants (si bien sûr il y en a un second) ? Je ne veux pas être présente dans leur entourage, cependant si l’un des deux – ou les deux – manifeste le désir de connaître ses origines ou qu’alors il faudra les révéler pour des raisons médicales, je serai présente.


Par Josée Descôteaux
janvier 2012
Forum sur le site Maman pour la vie

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